Brevetabilité des logiciels - Position du parlement européen au 07.09.2005

Brevets de logiciels : le "vote historique" du Parlement européen met fin à la bataille

   
En savoir plus :  Retourner à la page précédente   Imprimer cette page   

FAQ Microsoft Windows
 
 
Brevets de logiciels : le "vote historique" du Parlement européen met fin à la bataille
Recherche et innovation - 07-09-2005 18:26

Le Parlement européen s'est prononcé contre le brevetage des logiciels et a enterré la proposition de la Commission et du Conseil sur ce sujet. Par son rejet massif, il a fait clairement savoir aux deux institutions qu'aucun projet législatif impliquant son accord ne pourra aboutir si son avis n'est pas pris au sérieux. Mais le débat n'est pas clos: A quand le prochain bras de fer entre les partisans du "logiciel libre pour tous" et ceux du "tout brevet à l'américaine" ?

Vous pensiez que le monde de l'informatique se limitait à votre PC ? Vous aviez eu tort. Votre aspirateur, votre lessiveuse et votre four micro-ondes, des centaines d'outils de votre entourage n'existent que grâce aux logiciels. Des dizaines de milliards de microprocesseurs ont été programmés pour permettre le fonctionnement de ces appareils. Mais avant de les faire fonctionner, il fallait les inventer. Non seulement le projet de votre voiture mais, à coup sûr, celui de votre rasoir jetable ou de votre peigne ont été réalisés par ordinateur. A la base, il y a toujours une idée. Ensuite, un programme (algorithme, code source) qui rend opérationnel le logiciel. Toute une série d'idées et d'inventions sont nécessaires pour que, au bout de la chaîne, l'ABS de votre voiture ou votre téléphone portable vous soient utiles.

A chacun son système de brevets

Comme toute création, le droit de propriété de ces inventions peut être protégé par la loi. Plusieurs types de protection de la propriété intellectuelle et industrielle sont possibles. Le brevet et les droits d'auteurs (le fameux copyright trouvé sur la couverture du roman que vous voulez lire ou sur l'emballage de votre nouveau DVD) sont les plus connus. En voilà tout le problème : quelle forme de protection choisir, quelle étape de l'invention mise en oeuvre par ordinateur (code source, logiciel ou seulement le produit final) couvrir par cette protection ?

Dans les États membres de l'UE, comme dans la plupart des autres pays, il y a une règle selon laquelle le logiciel en tant que tel (qui ne vise pas une application industrielle et n'en constitue pas une contribution technique) n'est pas brevetable. Il bénéficie, au même titre qu'une oeuvre littéraire, de la protection par le droit d'auteur.

Mais, en pratique, tout État a sa propre manière de considérer la question et son système spécifique de brevetage. Non seulement la manière d'enregistrer un brevet, mais aussi les définitions de ce qui est brevetable et de ce qui ne l'est pas peuvent être différentes. Aujourd'hui, en Europe, un brevet peut être délivré par les offices nationaux et par l'Office européen des brevets (qui n'est pas un organe de l'UE). Le premier objectif de la directive proposée par la Commission européenne était d'harmoniser les systèmes nationaux de brevetage des innovations dont la réalisation nécessite un logiciel spécifique. Il ne s'agissait donc pas, selon la Commission, de modifier quoique ce soit mais de s'appuyer sur la pratique existante.
Or, justement, les pratiques existantes sont disparates. Voilà le cercle vicieux. La décision du Parlement d'enterrer la directive par le rejet de la position commune des États membres signifie que la solution proposée pour en sortir n'était pas acceptable pour les députés.


Les enjeux de la bataille

La règle selon laquelle le logiciel "pur" n'est pas brevetable serait-elle menacée ? En apparence non, puisque la convention du brevet européen, dite Convention de Munich, ratifiée par une vingtaine de pays européens, devrait en garantir la pérennité. Mais la formulation de ce texte, sujette aux interprétations, a permis d'ouvrir la brèche et plus de 30 000 brevets de logiciels ont déjà été délivrés par l'Office européen des brevets. Cette tendance est encore plus claire aux États-Unis et au Japon. Et le penchant de certains offices nationaux dans l'UE va dans le même sens.

Mais alors, pourquoi pas ? - demanderont certains. Le problème n'est pas seulement juridique. Il a des implications économiques et, selon les détracteurs du logiciel breveté, aussi politiques. Les deux camps s'accordent sur un point : l'Europe a besoin de davantage d'innovation. La stratégie de Lisbonne le dit, la nécessité de faire face à la concurrence américaine et japonaise sur le marché globalisé est une évidence. Selon certains, les grandes entreprises multinationales en premier lieu, le brevet est bénéfique à l'innovation. La recherche et le développement coûtent cher et le brevet assure un juste retour des bénéfices à celui qui les entreprend. Il établit un monopole de l'auteur sur son invention et, durant une certaine période, tout ceux qui voudraient s'en servir doivent payer. Cela semble logique.

Seulement, le brevet des logiciels ne loge pas sous la même enseigne que d'autres brevets. Considéré comme œuvre d'esprit, le logiciel est protégé par le droit d'auteur à l'instar d'un roman ou d'un tableau de maître. C'est donc l'expression de l'idée qui bénéficie de la protection, et non les mots qui ont servi à écrire le texte ou encore le processus intellectuel qui a abouti, sous la main de l'auteur, au roman. Seul les logiciels qui sont une" invention nouvelle et susceptibles d'application industrielle" peuvent être brevetés, donc bénéficier d'une protection beaucoup plus stricte.

Plus strict, veut dire limitant l'accès. Or l'activité de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) reposent sur l'utilisation des programmes inventés par d'autres. Ils redoutent que ces programmes, une fois brevetés, pourraient leur devenir inaccessibles. Ils craignent aussi que des grandes multinationales, seules capables à assumer les coûts élevés des procédures, reprennent à leur compte les logiciels aujourd'hui non protégés. Ils défendent donc les "logiciels libres" et dénoncent la marche vers le modèle américain où pratiquement tout peut être breveté. Les militants du logiciel libre mettent en avant l'importance d'accès aux nouvelles technologies pour la démocratie et mettent en exergue l'aspect politique de la question.


Le débat n'est pas clos

Les députés ont été divisés sur cette question débattue depuis trois ans. Obtenir un compromis semblait difficile. Mais ils y sont néanmoins arrivés en septembre 2003. Tout en exprimant leur accord pour le brevetage des "inventions mis en œuvre par ordinateur", ils ont restreint le champ d'application de la directive pour éviter le brevetage des logiciels en tant que tels. Les plus importants amendements du Parlement ont été rejetés par le Conseil. Finalement, le Parlement, ne voyant pas de possibilité de compromis sur la base de la position commune des États membres, a rejeté la totalité du texte.

Il est arrivé pour la première fois que les députés ont estimé inutile une phase supplémentaire de négociations (dite procédure de conciliation prévue par le traité) : les différences étaient trop profondes. De plus, les députés ne se faisaient pas d'illusion quant à l'attitude du Conseil et de la Commission dans ce dossier. Ainsi, selon le propos du socialiste français, Michel Rocard, rapporteur pour ce projet, le Parlement a-t-il exprimé par son vote "une colère collective, unanime contre la manière inadmissible dont il a été traité" par les deux autres institutions. Elles ont fait preuve d'un "mépris total, voire sarcastique, des choix faits par ce Parlement en première lecture".

Il est difficile à dire si, et quand, la Commission européenne présentera un nouveau projet sur la brevetabilité des logiciels. Mais le débat n'est pas clos et les militants des deux camps restent aux aguets. Nous avons connu les mêmes dilemmes lorsque la protection des médicaments ou des inventions biogénétiques a été discutée. Dans le monde dominé par les nouvelles technologies, le problème d'accès aux inventions et des coûts de leur mise en œuvre est plus que jamais d'actualité. Il dépasse le cadre purement juridique et économique.

Parlement Européen
http://www.europarl.europa.eu/news/public/focus_page/057-1002-255-09-37-909-20050819FCS01001-12-09-2005-2005/default_fr.htm


Nouvelle adresse du site Assiste.com depuis le 22 octobre 2012 : http://assiste.com Nouvelle adresse du site Assiste.com depuis le 22 octobre 2012 : http://assiste.com

Nouvelle adresse du site Assiste.com depuis le 22 octobre 2012 : http://assiste.com






Historique des révisions de ce document :

Historique
 
   
Rédigé en écoutant :
Music